Alix Lecomte, La tentation d'Odala.

« Tu sais qu’au monastère, j’ai choisi de n’être qu’une simple moniale, et que j’ai établi comme abbesse Agnès, mon ancienne esclave, qui m’avait accompagnée et soutenue avec la plus grande constance dans les périples de mon exil. Je suis maintenant la servante de ma servante, et je nettoie, je brique, je prépare la nourriture, je vidange les lieux d’aisance et je fertilise notre potager, je fais de petits paquets de poussière et de déchets que je jette dans la rivière. Quand mon travail quotidien me laisse quelque répit, j’écris. Sais-tu que je suis le premier écrivain femme de l’Empire ? Baudovinie, qui chronique mes faits et gestes au jour le jour, pense que ce rang lui revient et je prends garde à ne pas la détromper, je garde ma fierté d’être première par devers moi. Ces choses que je griffonne sur le papyrus ou le parchemin, ce ne sont après tout que des broutilles, quand on œuvre pour le salut.

Pour me débarrasser du mal de l’exil qui me rongeait, de la douleur du souvenir des miens qui furent massacrés, de la nostalgie de ma terre natale, j’ai improvisé un chant. Nous femmes franques, nous sommes devineresses, femmes de guerre, mais aussi grandes poétesses quand l’inspiration nous frappe, et celle-ci nous vient souvent au plus profond de nos grandes douleurs. »

Alix Lecomte est francophone et vit en Louisiane.

—

ISBN : 979-8-9904203-1-1